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Entretien avec Demetra Duleva –
philologue et écrivaine bulgare

Mme Demetra DULEVA est diplômée du Master en Philologie italienne et langue anglaise à l’Université de Sofia (Bulgarie), avec une spécialisation postuniversitaire à l’Université de Rome en linguistique comparée. A part le bulgare, sa langue maternelle, elle maitrise l’italien, le français, l’anglais et le russe. Sa carrière professionnelle débute comme traductrice et interprète free-lance.

En 2003 elle rejoint le service diplomatique du ministère des Affaires Étrangères de Bulgarie. Ses deux premières missions l’amènent à Bruxelles, à la Représentation Permanente de la Bulgarie auprès de l’Union Européenne, puis pour son troisième mandat à l’étrangère à l’Ambassade de Bulgarie à Paris où elle occupe de 2016 à 2020, le poste de Conseillère culturelle et éducative en charge entre autres du suivi des activités de l’Organisation internationale de la Francophonie. Depuis octobre 2020 elle a été nommée Correspondante nationale de la Francophonie au ministère des Affaires étrangères de Bulgarie.

1/ Madame Duleva, vous êtes un nouveau nom dans la littérature bulgare. Pourriez-vous nous dire ce qui vous a amené vers la littérature ? Parlez-nous de votre parcours ?
C’est vrai, je suis entrée dans le monde de la littérature comme écrivaine assez tardivement, une fois que les enfants ont grandi et quitté la maison pour faire leurs études à l’université. C’est alors que je me suis retrouvée avec du temps libre et l’envie de revenir vers les activités de ‘jeune fille’ qui ont été mises de côté à cause de la maternité. À vrai dire ce n’était pas uniquement des retrouvailles avec mes rêves de jeunesse ; mais aussi avec moi-même. Si pendant des années j’étais essentiellement une mère, je me suis redécouverte comme femme, écrivaine, artiste.
Pour moi il était important de raconter l’histoire de la génération ’89 de l’Europe de l’Est, dont la vie était déchirée en deux : l’avant et l’après le régime. Mes romans « L’albatros  errant » et « Constellations renversées »  parlent de ce passé tumultueux. Ce n’est pas une autobiographie, mais un récit en première personne. Les thèmes qui m’intéressent sont le pouvoir de l’état totalitaire, les choix moraux devant la peur, l’émigration et la vie à l’étrangère, les injustices sociales…

2/ On dit que la maîtrise d’une langue étrangère est une grande richesse. Vous maîtrisez parfaitement 4 langues. En quoi vous ont-elles enrichie ?
À part les avantages largement connus comme l’enrichissement intellectuel, l’accès à la culture d’autres pays et la littérature d’autres communautés linguistiques, je pense à la langue d’une façon plus large : comme porteur de mémoire, de mentalité, de mœurs d’un peuple. À travers la comparaison aux autres nous pouvons mieux comprendre notre identité et trouver une réponse aux grandes questions existentielles : qui je suis, d’où je viens et quelle est ma place authentique dans le monde. Et en tant qu’écrivaine je cherche la source de ma voix authentique – d’abord dans mes origines et après dans les « coordonnées espace-temps » de ma vie : la péninsule balkanique, la langue bulgare, la mythologie thrace, l’alphabet cyrillique, le traumatisme du passé totalitaire … un mélange qui rend mes histoires uniques.

3/ Dans vos romans le sujet du positionnement et le rôle de la femme dans la société est très présent. Pourquoi ?
Je suis une femme et donc tout de la femme m’intéresse : sa sensibilité, sa force, son regard au monde. Enfin son corps – à cause de la maternité, l’accouchement, l’allaitement, je pense que dans la vie la femme participe avec son corps plus qu’un homme. Son corps est aussi objet de désir, instrument de domination sexuelle et de conséquences de soumission physique et sociale.
Je n’écris pas des romans pour femmes, mais de femmes. Dans mes romans le rôle principal est toujours confié à une femme. Mes héroïnes sont des femmes qui posent des questions, qui se cherchent et parfois doivent faire face aux choix difficiles, mais qu’importe les circonstances, elles gardent leur compas moral et suivent leur propre chemin.

4/ Est-ce que c’est facile d’être une femme écrivaine ?
C’est difficile d’écrire, peu importe si femme ou homme, surtout si on veut rester engagée et honnête. Parfois il est assez douloureux de mettre le doigt dans les plaies les plus profondes et plus intimes, mais c’est la seule façon que je connais pour dire les choses et ne pas mentir au lecteur. S’il faut mentionner une difficulté spécifique pour les femmes écrivaines, elle dérive plutôt du fait que le monde de la littérature (et pas seulement) reste essentiellement masculin. Pendant des siècles, c’est principalement les hommes qui se sont exprimés, qui ont raconté leurs vérités, leurs sentiments, leur amours et guerres. Et même si nous en avons des choses à dire, notre voix reste encore faible et parfois négligée.

5/ Dans quelques jours on fêtera la Journée internationale des droits des femmes. Que souhaitez-vous à toutes les femmes de la planète ?
Eh bien, de la célébrer cette Journée si spéciale, avec des fleurs, le sourire, une belle conversation entre copines ou entre mère et fille. Je souhaite à toutes les femmes de préserver la force de l’âme et la noblesse de cœur. De ne pas fermer les yeux sur les injustices et les inégalités, mais aussi de trouver le temps pour soi. Certes, il est important de rester résilientes et vigilantes, mais sans oublier d’être heureuses.

Publications

2019 : « Странстващият албатрос » ( L’albatros errant), roman
2021 : « Преобърнати съзвездия » (Constellations renversées), roman

Prix

2020 : Prix littéraire de Portal Cultura pour la meilleure entrée littéraire de l’année pour le roman « L’albatros errant »

2020 : Prix littéraire PEROTO (la Plume) du Centre National du Livre et le Palais National de Culture pour la meilleure entrée littéraire de l’année pour le roman « L’albatros errant »
2020 : Nomination pour le meilleur roman de l’année du Prix national « 13 Veka » pour le roman « L’albatros errant »
2021 : Nomination pour le Prix littéraire PEROTO (la Plume) du Centre National du Livre et le Palais National de Culture pour le roman « Constellations renversées ».

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