Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science, nous vous présentons le portrait de Mme Ariane Dupont-Kieffer – maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Vice-présidente déléguée de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Mme Dupont-Kieffer est responsable du master Transports Internationaux à l’ESFAM.
Madame Dupont-Kieffer, vous êtes une femme de science. Racontez-nous votre parcours professionnel ?
Mon parcours professionnel était orienté vers les sciences sociales. C’est à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne que j’ai fait ma licence, ma maîtrise et mon doctorat. Le choix de ma thèse était les instruments de mesures et de comprendre comment l’économétrie (la science de la mesure en économie) a été utilisée dans les politiques publiques. A l’issue de ma thèse, je voulais faire quelque chose de très concret, et il y avait ce post-doctorat à l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS) sur la mesure du kilométrage moyen de tous les réseaux routiers en France et pour toutes les catégories de véhicules, donc bien que je fusse enceinte de 6 mois j’ai eu la chance d’être recrutée. J’ai fait pendant un an ces estimations très concret et ça m’a tellement plu que j’ai postulé le poste de chargé de recherche. J’ai été choisie parmi les 5 candidats qui étaient présents. Donc, j’ai fait 10 ans dans le transport sur la mesure de mobilité et de ses impacts et j’ai beaucoup aimé. Cela étant, j’ai voulu revenir à l’université parce qu’il me manquait la dimension philosophique et la confrontation avec les autres sciences humaines. A l’INRETS, j’avais beaucoup de projets européens avec des équipes internationales et le travail me plaisait beaucoup. Quand je suis revenue à Paris 1, je suis devenue la Directrice de l’école d’économie à la Sorbonne. Quelle expérience riche !
Pourriez-vous nous dire qu’est-ce que vous a amené vers l’économie des transports et vers la science en général ?
C’est ce post-doctorat sur la mesure du kilométrage moyen qui m’a poussé vers les transports et ce que j’ai aimé tout de suite c’était le défi analytique – le fait que le transport n’est pas demandé pour lui-même mais pour faire toujours autre chose. Et pourquoi la science ? Parce que j’ai toujours aimé comprendre les choses depuis que j’étais toute petite. J’ai toujours voulu comprendre comment fonctionne le monde, comment les gens se comportent et aussi comment ? Ce qui m’a motivé est de comprendre pourquoi les regards entre l’art et la science sont différents, comment ces deux perspectives s’opposent ou sont complémentaires, et comment une approche scientifique est également le fruit du travail d’équipe de recherche en laboratoire .
Est-ce que c’est difficile d’être une femme scientifique ?
Oui, parce que déjà les collègues (hommes) ont la petite tendance de ne pas toujours nous laisser la parole dans les réunions ; de nous demander de prendre les notes pendant les réunions ou d’envoyer des mails pour convoquer les partenaires. Ils considèrent que la charge administrative c’est aux femmes de la faire parce que les femmes sont supposées être des bonnes organisatrices… donc c’est difficile d’être une femme scientifique car il faut concilier la vie personnelle et la vie professionnelle. Ce n’est pas le cas pour moi. Moi, je n’ai pas eu de difficultés par rapport à ma vie privée, parce que j’ai un mari très impliqué, qui est aussi économiste, qui était toujours à côté de moi, qui s’occupait des enfants quand je devais finir ma thèse, ou rédiger un article. Mes beaux-parents étaient aussi toujours à mon côté et je n’ai pas eu de contraintes comme certaines autres femmes. Donc voilà, j’ai eu énormément de chance, je pense que je peux faire tout ce qui me plait parce que j’ai une famille qui me soutient et que nos carrières respectives sont importantes pour l’un et l’autre. Mais ce qui est difficile ce sont plutôt les collègues…
Que pensez-vous des jeunes d’aujourd’hui et la science ?
Les jeunes aujourd’hui, je les trouve très dynamiques et je pense qu’ils ne pensent pas comme nous. Le seul truc que je leur reproche, c’est ce qu’ils ne regardent pas l’histoire : ils ne veulent pas regarder d’où viennent les concepts, ils ne veulent pas regarder si les choses suivent une progression ou pas. Il me semble qu’il leur manque une culture générale, une culture politique. Et ce manque de perspective historique me choque beaucoup car l’histoire et la culture permettent de mieux réinventer nos théories, nos projets et d’inventer le futur. Il est important de savoir articuler le raisonnement et les connaissances, et de sortir des cases et c’est une génération qui a la capacité de le faire contrairement à la nôtre (mais ils/ elles ne veulent pas toujours le faire).
Quel est le message que vous transmettez aux jeunes femmes scientifiques ?
Le message que je transmets aux jeunes femmes est qu’il faut accepter les épreuves, parce que les épreuves font partie de la vie. Il ne faut pas se voir en victime dès qu’on a une épreuve, c’est la vie qui est comme ça. Il faut accepter qu’il y ait des étapes et des échecs dans la vie et chaque fois on apprend …de soir, du système, des collègues. Il faut savoir demander de l’aide quand une épreuve arrive.