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Entretien avec Mme Ogniana Vakavlieva-artiste et professeure francophone d’arts plastiques

Mme Ogniana Vakavlieva est née à Sofia en 1972. Diplômée en économie (Université d’économie mondiale – Sofia) et en Peinture décorative (Académie de Barcelone), elle se spécialise dans la technique décorative sur les murs, les surfaces en plâtre et en bois et en trompe l’œil), ainsi que dans le domaine du Design de la porcelaine et du verre lors de ses études à l’Académie nationale des beaux-arts de Sofia.

A l’Atelier Arts Cromia, elle a procédé à la restauration d’objets de la période moderniste et de projets d’intérieurs privés.

De 2000 à 2004, Mme Vakavlieva a créé et dirigé « Elektra », une galerie d’art contemporain dans la ville de Malaga (sud de l’Espagne) en y exposant principalement des œuvres d’artistes bulgares. Elle a participé à de nombreuses expositions collectives en Espagne et en Bulgarie.

Madame Vakavlieva, vous êtes Bulgare, vous êtes artiste et vous parlez français. Parlez-nous de votre parcours professionnel ?

Mon parcours créatif est un véritable combat – avec les préjugés de la société, avec moi-même, avec les difficultés quotidiennes que peut rencontrer une femme qui souhaite mener une vie créative sans nuire à ses proches. J’avais 15 ans et j’étudiais au lycée français « Alphonse de Lamartine » à Sofia, lorsque j’ai commencé à fréquenter des cours de peinture et à réfléchir à postuler à l’Académie nationale des arts. Dans ma famille il n’y a pas d’artistes du tout. Et cela a été le premier obstacle. Mon père a insisté pour que je fasse des études dans un domaine qui soit « plus prometteur ». C’est pourquoi, j’ai fait des études d’économie à l’Université d’économie mondiale de Sofia. J’étais influencé par les idées préconçues selon lesquelles l’art n’était pas un métier sérieux et qu’être admise à l’Académie impliquait de commencer à se préparer beaucoup plus tôt et d’avoir du talent pour le dessin (ces idées élitistes étaient très caractéristiques de la société socialiste). Je ne croyais pas assez en moi et je ne me suis pas battu à l’époque… Mais quand je suis allée à Barcelone, j’ai pu me recueillir et observer ce nouveau monde que je trouvais beaucoup plus libre et coloré. En ce moment, j’ai senti que l’art était plus fort que moi ! C’est notamment à Barcelone que j’ai suivi ma première formation artistique dans le domaine de la Peinture décorative. Plus tard, j’ai obtenu mon diplôme de design (Porcelaine et verre) à l’Académie nationale des Beaux-Arts de Sofia, alors que j’avais déjà deux enfants. Mes merveilleux Nicole et Darin, qui, au lieu d’être un obstacle, ont été mon inspiration, mon soutien et mes critiques les plus précieux ! À l’Académie, j’ai consolidé ma réflexion et mes explorations sculpturales. C’est à l’instar de la façon dont je parle le bulgare et le français que je crée des peintures et des sculptures. La langue est différente, mais les messages que je transmets sont toujours les mêmes, parce que ce sont ceux de l’âme.

Pourriez-vous nous dire ce qui vous a conduit à la peinture ?

L’esthétique du modernisme à Barcelone et mes études en peinture décorative sont à l’origine de ma passion pour le détail et pour l’ornement. Cela répond à un besoin intérieur consistant à me concentrer sur quelque chose de petit et de concret afin de l’étudier. Le détail fait partie de l’alphabet visuel par lequel je m’exprime. En revanche, à l’Académie, j’ai pu consolider ma réflexion et mes recherches sculpturales. J’ai acquis la maîtrise de la technique. Cependant, la troisième dimension est également présente dans mes œuvres de peinture,   et c’est pour cela que j’ai opté au fil du temps pour les techniques mixtes et le collage.

On dit que la maîtrise d’une langue étrangère est une grande richesse. Vous maîtrisez parfaitement le français. Pourriez-vous nous dire comment cette langue vous a-t-elle enrichie?

Avant même de devenir artiste, le français a été pour moi une ouverture aux autres cultures. Les années de mon enfance, que j’ai passées aux lycées français au Maroc et en Tunisie m’ont appris le respect, la curiosité et la tolérance en matière de nationalité, de race, de religion. En effet, le français devrait être la langue de la créativité. La langue et la culture françaises m’ont permis de communiquer avec des personnes merveilleuses (je me souviens encore de mon professeur de français du lycée de Tunis), d’accéder à une littérature précieuse. Aujourd’hui encore, lorsque j’ai besoin d’informations relatives à l’histoire de l’art, je consulte, d’abord, les sources françaises.

Quelle place occupe la femme dans votre œuvre?

Une place très significative sans être intrusive ou porteuse de messages de propagande. C’est dans mes œuvres que j’intègre, sans même me rendre compte, ma sensibilité féminine, les valeurs typiques des femmes, notamment la patience, la tendresse, l’inclusion et la maternité. Je collectionne de vieilles cartes postales avec des images de femmes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (j’adore cette période dans l’art !) que j’utilise parfois dans mes collages. Je réinvente le corps féminin dans mes sculptures. Mais il trahit la présence masculine, le regard masculin. Nous ne pouvons pas nous passer l’un de l’autre. Ma philosophie est celle du respect et du soutien mutuels entre les femmes et les hommes, pas celle de la compétition et de l’émancipation mal comprise.

Est-ce qu’il est facile pour une femme d’être artiste ?

Je pense que c’est extrêmement difficile ! Surtout dans le domaine de la sculpture. Le seuil d’entrée dans la profession est généralement élevé – trouver et équiper un atelier, les matériaux. Le travail est lent et physiquement dur. J’ai la chance d’avoir mon atelier à la maison. Je suis en même temps professeure de peinture. Vous savez que de nombreux artistes, hommes et femmes, sont obligés de faire autre chose pour subvenir à leurs besoins, car l’art est trop imprévisible en termes de revenus. Dans mon cas, le foyer, l’amour, les enfants, la créativité sont sous le même toit !

Je pense aussi que l’histoire a injustement laissé les femmes artistes dans l’ombre et qu’aujourd’hui encore, nous avons à faire face à cette perception de la femme. Il est nécessaire que les critiques, les historiens, les galeristes et les conservateurs changent leur système de valeurs à l’égard des femmes artistes.

Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits des femmes. Quel message souhaiteriez-vous adresser à toutes les femmes de la planète ?

Croyez-en vous-même ! Croyez en l’amour ! Soyez fortes, mais aussi prudentes et sages ! Prenez soin de votre santé !

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