Le nom de Mme Zornitza Kitinska est bien connu du milieu littéraire francophone en Bulgarie. Depuis l’âge de 14 ans, elle avait choisi son métier et elle reste fidèle à son rêve d’enfance. Mme Kitinska est le seul traducteur en Bulgarie à avoir traduit 10 titres de Romain Gary, 17 d’Eric-Emmanuel Schmitt, des œuvres de Céline, de Baudrillard etc.. Aujourd’hui, à la Journée internationale de la femme, elle nous fait part de sa propre expérience et de son amour pour la langue et la littérature française.
Madame Kitinska, vous êtes une des plus connues traductrices du français vers le bulgare. Parlez-nous votre parcours professionnel ?
Franchement dit, j’ai choisi le métier de traducteur un peu par manque d’imagination. Dès l’entrée au lycée bilingue Joliot-Curie à Varna, je n’ai jamais pu imaginer pour moi-même un autre usage du français que la traduction littéraire. Mes camarades de classe changeaient d’avis tous les trois mois en rêvant d’être tour à tour des médecins, des politiciens, des députés, des juristes, des hommes d’affaires dans des pays francophones etc. Cela me faisait me sentir comme une dame moyenâgeuse fidèle à son chevalier, c’est-à-dire au rêve initial. Je me demande maintenant si ce n’était pas de la paresse tout simplement. Je plaisante, bien sûr. Plus tard j’ai eu énormément de chance avec les auteurs et les ouvrages que les éditeurs me confiaient. Aujourd’hui encore, je me sens abasourdiе à l’idée que je suis le seul traducteur en Bulgarie à avoir traduit 10 titres de Romain Gary, 17 d’Eric-Emmanuel Schmitt, des œuvres de Céline, de Baudrillard, de Boris Vian etc.
Pourriez-vous nous dire qu’est-ce que vous a amené vers les traductions et vers la science de traduction ?
Je lis depuis l’âge de 5 ans. Au début je ne me posais pas la question dans quelle langue était écrit tel ou tel livre. Plus tard je croyais qu’un livre est identique dans la langue originale et celle d’accueil. Paradoxalement, c’est certaines maladresses dans la traduction qui ont réveillé ma curiosité et mon envie d’essayer de traduire moi-même. Il est difficile de définir la traduction comme une science proprement dit. Bien évidemment, le processus de traduction suit des règles strictes et des standards professionnels obligatoires pourtant il laisse aussi un très vaste champ de liberté et de créativité.
Pour vous la langue française représente quoi ?
Elle est comme toutes les langues – un trésor. Mais c’est aussi MON trésor à moi car je l’ai choisie parmi toutes les langues sans en être obligée par mes origines ou par mon lieu de résidence. Un trésor assez éprouvant et qui a tendance à se dérober, à jouer au cache-cache…
Est-ce que c’est facile d’être une femme traductrice ?
La traduction est à califourchon entre la science et l’écriture créative. Certains traducteurs revendiquent la place de co-auteur de l’œuvre littéraire. Moi personnellement, je me crois un simple verre qui sépare et en même temps met en contact le lecteur et le texte. J’essaie donc à être fidèle au texte et à l’auteur sans trop montrer le bout du nez. J’ouvre une petite parenthèse – le grand poète bulgare Atanas Daltchev dit que le traducteur littéraire ressemble à une fenêtre – on peut voir à travers elle ce qui se passe dans la rue mais elle reflète aussi ce qui se trouve à l’intérieur de la pièce. Être fidèle au texte demande une analyse approfondie et c’est justement cette analyse qui est la part disons scientifique de la traduction. Il faut analyser plusieurs éléments et niveaux du texte dans leur dynamisme tout au cours du déroulement du sujet. Je ne dirais pas que c’est un processus facile mais c’est extrêmement passionnant et intrigant même 35 ans plus tard.
Qu’est-ce que vous a appris le métier du traducteur ?
Premièrement, que la langue n’est pas un ensemble d’éléments lexicaux et grammaticaux mais une essence faite de culture, d’histoire, de patrimoine, de mœurs, de pensée philosophique et communautaire, et que le traducteur est obligé de faire en sorte qu’une autre communauté puisse comprendre le message initial de chaque phrase et du texte dans son intégralité.
Et deuxièmement, que dans une communication vivante il vaut mieux ne pas trop compter sur la méthode analytique mais poser des questions claires et précises.
Quel est le message que vous transmettez aux jeunes traducteurs / traductrices ?
D’aimer ce travail de fou sacré un peu plus chaque jour et d’avoir l’humilité et aussi la force, dans la mesure du possible, de ne pas faire entendre sa propre voix mais celle de l’auteur.
Aujourd’hui est la Journée internationale de la femme. Qu’est-ce que vous souhaitez à toutes les femmes de la planète?
Je leur souhaite de ne jamais oublier à quel point elles sont fortes et de savoir le faire apprécier par leurs conjoints, pères, frères, fils et collègues. Chères femmes, n’oubliez jamais que c’est vous qui donnez la vie, que c’est vous qui éduquez vos fils, que c’est vous qui leur apprenez l’amour, le respect et les valeurs de la vie, et que c’est dans vos mains de faire la Terre une meilleure place pour toutes les femmes.